Patrimoine

18 septembre 2009

Nous allons vivre, le 19 et le 20 septembre, les « Journées du Patrimoine », moment privilégié pour admirer chaque année les beautés de nos monuments et de nos musées : peinture, sculpture et architecture sont traditionnellement à l’honneur.

Mais on s’intéresse aussi désormais aux hôtels particuliers, aux jardins, aux rues célèbres ou pittoresques, aux curiosités archéologiques et ethnologiques… Tout devient culture, non plus dans le sens ancien, à résonance esthétique, longtemps réservé aux “ élites ”, mais dans le sens devenu courant de ce qui témoigne de nos vies d’hommes ancrées dans une civilisation : croyances, rites, traditions, artisanat, modes d’alimentation, vêtements...
Le patrimoine n’en finit pas de s’élargir, pour conserver et embellir le passé : on visite pieusement dans le Nord les terrils, devenus “ paysage patrimonial ”, et l’on garde précieusement dans le Sud le pressoir à olives, que jamais autrefois l’on aurait pensé ennoblir d’une place au Musée. D’un côté de la chaîne, le Louvre, fierté nationale, et de l’autre, la présentation des outils et des savoir-faire ruraux. Nous honorons le génie des grands artistes mais aussi l’ingéniosité des humbles, reconnaissant que tout homme, à sa manière et à sa mesure, peut créer l’utile et le beau. Et Dieu, qui nous a fait ses enfants, nous aime à notre place, œuvrant pour le présent et léguant au futur.

Patrimoine… Comment le vivons-nous aussi pour recevoir et faire fructifier l’héritage chrétien que toute la modernité rejette désormais dans un passé révolu ? Comment déchiffrons-nous nos églises, nos chapelles, les monastères, les oratoires, et tout ce que nous ont gardé près de deux millénaires de catholicité ? Quel sens peuvent encore découvrir dans notre “ patrimoine religieux ” enfants, adolescents et jeunes adultes que nul n’a jamais pu ou voulu “ catéchiser ”, et qui ignorent quasiment jusqu’à la signification d’une croix plantée en haut d’un saltus, ou le nom d’une statue maternelle drapée d’un manteau bleu et portant un petit garçon dans ses bras ?
Et pourtant, je le crois, quelque chose continue de se transmettre souterrainement aux consciences d’aujourd’hui, que tout détourne, semble-t-il, du religieux, et même du sacré. Derrière les vitrines païennes de Noël, il y a encore le tendre recueillement de la crèche ; pour le touriste distrait entrant pas hasard dans la Sainte-Chapelle à Paris, il y a l’émerveillement des vitraux, somptueux témoignage de foi. Les cloîtres silencieux parlent ; le Mont St-Michel stupéfie et interroge ; Sénanque fait prier la pierre cistercienne devant le promeneur amoureux des lavandes ; et l’icône qui brille au milieu des cierges donne à penser quelqu’un par-delà son scintillement ébloui.

Oui, l’art religieux, qui est pour nous, chrétiens, autant qu’un patrimoine, un trésor vivant et un dépôt sacré, continue dans le fracas du monde, d’interpeller l’homme. J’en donnerai, pour finir, un exemple frappant : au dernier festival d’Avignon, l’artiste associé Wajdi Mouawad a mis au cœur de son spectacle “ Ciels ” une Annonciation du Tintoret. Tout le public, extrêmement attentif, était comme happé par la beauté du tableau et, par-delà la rêverie de l’écrivain et son interprétation du thème, quelque chose du mystère de la scène, de la grandeur secrète de l’histoire, “ passait ”. Et le final de la pièce présentait une admirable “ pietà” , dans un crescendo d’émotion où tout ne provenait pas des effets d’éclairage, de la musique et des projections picturales sur le mur.

Belles visites à tous ! Mais tout au long de l’année, prenons le temps d’être sensibles à ce qui nous fait signe, et à nos frères aussi, dans le grand et riche patrimoine de “ l’héritage chrétien” .