La personne humaine au cœur de la bioéthique

10 décembre 2009

En lançant la réflexion et le débat bioéthique par sa lettre adressée au Conseil d’Etat, le 11 février 2008, le premier ministre, François Fillon soulignait : d’une part, « les découvertes scientifiques et les perfectionnements des techniques posent des questions éthiques et morales » et d’autre part, « cette démarche ne saurait méconnaître les principes juridiques fondateurs qui s’appliquent en la matière. » L’immunologue Jean-Claude Ameisen [1] le souligne : « avec la science existe un risque de réification et de déshumanisation. Car la science fait abstraction de la singularité de la personne. Elle nous traite comme objets alors qu’on vit comme sujets. »

Quels sont donc nos principes juridiques fondateurs ? « Le respect de tout être humain dès le commencement de la vie » précise le Code civil (art. 16) , suite à la première loi de bioéthique de 1994. Le principe fondamental est donc la dignité de toute vie humaine. Ce principe sera confirmé par la Convention d’Oviedo du Conseil de l’Europe en 1997 et par la Charte européenne des droits de l’homme adoptée à Nice en 2000, qui déclare dans son premier article, « la dignité est inviolable » et dans son article 2 que « toute personne a droit à la vie ». Rappelant que « le principe de dignité de la personne humaine paraît être le principe éthique structurant des lois de bioéthique », les citoyens des Etats généraux ont rappelé qu’aucune circonstance ne pouvait contredire ce principe : « la dignité, en effet, ne décline pas avec nos forces. Ni la maladie, ni le handicap n’altèrent notre humanité. [2] »

Sur quoi repose cette dignité ? Faut-il que l’embryon vive depuis un minimum de jours ? Ou alors possède-t-il cette dignité dès le premier instant de la fécondation ? Faut-il qu’il soit animé par une âme ? Et cette âme, à partir de quand est-elle « insufflée » par Dieu ? Préciser le jour et l‘heure de l’apparition de l’âme est impossible. Petit secret de Dieu… Mais, dès le premier instant de la fécondation tout est présent dans cet embryon (appelé zygote), car son ADN est complète, et tout est en germe. C’est déjà un vivant à part entière. Est-il déjà une personne humaine ? Le Conseil consultatif national d’éthique en 1984 avait proposé le concept de « personne humaine potentiel ». Cette définition a été reprise par le Conseil d’Etat pour refuser l’instrumentalisation de l’être humain.

Si nous regardons cet embryon dans la lumière de ce à quoi il est destiné, il est bien évidemment déjà une personne humaine. Il est radicalement et substantiellement une personne humaine. Il ne l’est pas en acte, mais en puissance, en devenir. Comme chacun d’entre nous, d’une autre manière, car nous progressons tous, nous devenons tous un peu plus une personne humaine. Même quand nous vieillissons. Certaines capacités peuvent diminuer, mais d’autres peuvent augmenter, se développer, s’intérioriser ou devenir plus belles, plus posées, plus « sages ».

N’y a-t-il pas là un enjeu majeur : redécouvrir la personne humaine présente dès le premier instant de l’existence de l’embryon ? Et défendre sa dignité comme on défendrait celle de tout enfant, de toute personne vivante ? Cette dignité qui se prend et se comprend de ce qu’est profondément une personne, de ce qu’elle a de plus grand en elle : sa capacité d’aimer et d’être aimée, de chercher à comprendre ce qui l’entoure et enfin de rejoindre son Père Créateur dans un acte d’Amour et dans la prière.

Alors, la médecine pourrait reprendre toute sa grandeur, sa dignité, sa finalité : être un art au service de la personne, un art au service de la vie depuis son commencement jusqu’à sa fin sur cette terre.

Fr. Jean de la Croix, f.j

[1Président du comité d’éthique de l’Inserm.

[2Bilan des Etats généraux de Bioéthique, juillet 2009