L’Epiphanie

5 janvier 2010

Après quelques semaines de voyages, les voilà rentrés chez eux. Ils continuent à vivre dans leur entourage habituel. Extérieurement tout est rentré dans l’ordre. Et pourtant. Tout est différent désormais.

Rien n’est comme avant, mais leurs voisins, des païens pourtant très religieux, ne perçoivent pas le changement si radical qui s’est opéré. Ils se rappellent pourtant qu’ils avaient applaudi à l’annonce d’une nouvelle découverte astrologique qui allait faire avancer la science d’un grand pas. Mais ensuite, n’avaient-ils pas exprimé leur étonnement, leur incompréhension et même de l’ironie, lorsque ces trois astrologues, chercheurs de divinités, ont déclaré que cet astre serait l’annonce de la naissance d’un roi universel, juste et droit ? « Quelle illusion de croire encore à la justice et le droit ! Et si jamais un homme devait encore défendre ces idéaux, s’il veut être notre roi, il faut qu’il soit des nôtres. Nous ne voulons pas qu’un homme que nous n’avons pas choisi règne sur nous. Comment se fait-il que certains puissent encore croire et se mettre à la recherche d’une gouvernance idéale ? »
Malgré tout, ils sont partis, rien n’a pu les retenir, on ne savait même pas où ils allaient. Le savaient-ils eux-mêmes ? Et les voilà revenus, ces trois chercheurs de Roi, seuls, sans rien. Et alors ? Apparemment, ils n’ont donc pas trouvé ce qu’ils cherchaient… ? Si, ils ont trouvé, et mieux que ce qu’ils ont espéré. L’étoile qui a brillé si haut dans le ciel a éclairé leurs yeux et les a effectivement conduits à la cour d’un roi. Mais, ce n’était pas encore la fin du voyage. Ce roi leur a indiqué des experts ès Ecritures Saintes pour savoir où exactement trouver ce nouveau-né mystérieux, ― et ils l’ont trouvé.

C’était un enfant de parents pauvres et inconnus qui n’avait pour cour que quelques bergers des campagnes alentour. Les trois astrologues avaient heureusement un regard assez pénétrant pour reconnaître qu’il s’agissait bien du Roi qu’ils cherchaient, car cet enfant rayonnait la même clarté que l’étoile, à la fois plus doucement et plus fortement. Cette clarté leur était si familière qu’aucun doute ne pouvait ébranler leur reconnaissance. C’est bien lui, le roi des juifs qui vient du Ciel et apporte le droit et la justice au monde entier ! Comment ne pas s’agenouiller et l’adorer dans la faiblesse même de son enfance ? Plus tard quand il sera grand, il proclamera des paroles qui traduisent l’appel entendu dès lors par nos trois chercheurs : « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger » (Mt 11,28-30). En fait, en offrant son « joug », il donne la liberté ; en imposant son fardeau, il allège le poids de la vie.
Les trois mages l’ont compris et ils ont répondu à cet appel. A travers les dons apportés, l’or, l’encens et la myrrhe, ils offrent à l’enfant tout ce qu’ils ont de plus précieux : l’acceptation que le vrai roi des hommes doit venir d’ailleurs ; l’adoration du Dieu vivant dans la petitesse de l’enfant ; l’offrande de leurs limites et insuffisances pour correspondre à ce don de Dieu. En échange, ils ont reçu le secret du vrai droit et de la vraie justice qui permet seul une vie en paix et en liberté : l’humilité qui sait accueillir le don gratuit de Dieu. « Berger ou mage, on ne peut atteindre Dieu ici-bas qu’en s’agenouillant devant la crèche de Bethléem et en l’adorant caché dans la faiblesse d’un enfant » (Catéchisme de l’Eglise Catholique, 563).
Oui, c’est ainsi qu’ils ont pu rentrer chez eux, en paix, dans la joie, en prenant un autre chemin qu’à l’aller. La recherche ardue était transformée en assurance tranquille. Désormais, toute leur vie si ordinaire, même en pays païen, sera illuminée par la présence de la lumière des nations dans leur cœur, et par l’espérance de l’avènement certain du royaume de paix et de justice.
Certains de leurs contemporains sauront découvrir l’éclat discret de l’étoile sur leur visage. D’autres, attirés par le rayonnement de cette lumière divine, pourront entendre le même appel que les mages, reçu à la crèche de l’enfant ou dans la vie publique de Jésus : « Viens, suis-moi ». « Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie » (Jn 8,12).
Puisse la fête de l’Epiphanie apporter à tous les chercheurs de lumière et de justice, la joie de voir l’accomplissement de leurs désirs et consolider l’espérance qu’un jour toutes les nations verront le salut de Dieu.

Waltraud Linnig


Professeur au Studium


de Notre Dame de Vie à Venasque