Comment est née la fête du Saint Sacrement

20 mai 2008

Alléluia Service n°963

La Fête du Saint Sacrement nous ramène au XIIIe siècle. Née à Retinne près de Liège, en 1193, orpheline à l’âge de cinq ans, Julienne fut placée par ses tuteurs chez les religieuses augustines de Cornillon.

Les sœurs veillèrent à lui donner une bonne éducation et y réussirent bien car elle était très douée. Elle put ainsi très vite avoir accès à de grands auteurs spirituels comme st Augustin et st Bernard. Ses progrès dans sa vie spirituelle n’étaient pas moins remarquables. Ayant perçu une vocation à la vie religieuse, elle prit l’habit en 1207 dans le même couvent de Cornillon. Elle s’activa à soigner les malades, tout en ayant une vie de prière très profonde. Sa dévotion envers la sainte Eucharistie était très forte. Peu de temps après sa profession, elle eut une vision dont elle ne comprit pas le sens. Elle vit la lune rayonnant de lumière et y remarqua une bande noire qui la divisait en deux parties égales. Croyant que ce n’était qu’un effet de son imagination, elle n’y prêta pas attention ; mais la vision se renouvela si souvent qu’elle finit par être inquiète à ce sujet. Elle demanda aux sœurs du couvent de quoi il s’agissait, mais personne ne put lui répondre. Dieu lui révéla enfin que la lune représentait l’Église et que la bande noire qui la traversait, signifiait qu’il manquait une fête dans l’Église, la fête du saint Sacrement qui devrait être instituée pour ranimer la foi des fidèles. Il la chargea, en même temps, de faire instituer cette fête par l’autorité ecclésiastique.

Cette révélation eut lieu vers l’an 1210. Julienne, dans sa grande humilité, se croyait incapable de faire réussir cette affaire et s’en remit à la volonté de Dieu. En 1222, elle fut nommée prieure de son couvent. Pressée par cet appel de Dieu, elle décida enfin, vers 1230, après vingt ans d’hésitation, de s’employer à l’institution de la fête. Elle consulta plusieurs grands théologiens qui assurèrent que rien ne s’opposait à l’institution d’une telle fête et que plusieurs raisons jouaient même en sa faveur. Julienne, confirmée dans son projet par cet avis unanime, pria un clerc de Cornillon, nommé Jean, de composer un office du saint Sacrement. Il fallait encore l’institution canonique de la fête par l’autorité épiscopale. Julienne, pour obtenir cette faveur du Ciel par l’intercession des saints, fit trois pèlerinages : un à Cologne, un à Tongres et un à Maestricht, et invoqua les saints qui sont spécialement honorés dans ces villes. L’évêque Robert de Langres, quoiqu’il estimât beaucoup Julienne, n’était pas très porté, dans le principe, à instituer la fête du saint Sacrement, parce qu’on en célébrait déjà une le Jeudi saint et que chaque jour on célébrait l’Eucharistie. Mais en 1245, il reçut une grâce du Seigneur (on ignore de quoi il s’agissait) et il résolut, dès lors, d’instituer la fête. II approuva l’office composé par le clerc Jean et en fit multiplier les exemplaires ; il fixa la fête au jeudi après l’octave de la Pentecôte mais il tomba malade et mourut avant d’avoir pu instituer officiellement la fête... Il fallut attendre 1261 pour que le pape Urbain IV instituât la fête du Saint Sacrement, se souvenant qu’il avait été révélé à plusieurs catholiques qu’une telle fête devait être instituée dans l’église universelle. Il fit rédiger l’office du saint Sacrement par st Thomas d’Aquin et il célébra lui-même solennellement la fête dans l’église de sa résidence, le jeudi après l’octave de la Pentecôte, en 1264, en présence de tout son clergé. Par la bulle Transiturus de la même année, il étendit la fête à tout l’univers avec l’office composé par st Thomas. Quant à ste Julienne, la promotrice de la fête, sa vie ne fut plus qu’une suite de tribulations après la mort de l’évêque Robert de Langres. Elle se réfugia à Fosses où elle mourut le 5 avril 1258 et fut enterrée dans l’abbaye de Villers où elle avait choisi sa sépulture.

La fête du Saint Sacrement est bien sûr très liée au Jeudi Saint. Elle est d’ailleurs normalement célébrée le jeudi après la Pentecôte mais dans certains pays comme la France, on la reporte au dimanche suivant. Elle met plus l’accent sur l’Eucharistie comme don inestimable donné à l’Eglise. “Aujourd´hui, expliquait le pape Jean Paul II en mai 2002, par un acte public et solennel, nous glorifions et nous adorons le Pain et le Vin devenus vrai Corps et vrai Sang du Rédempteur (...). Nous célébrons aujourd´hui une fête solennelle qui exprime l´émerveillement étonné du Peuple de Dieu : un émerveillement plein de reconnaissance pour le don de l´Eucharistie. Dans le Sacrement de l´autel, Jésus a voulu perpétuer sa présence vivante au milieu de nous, dans la forme même dans laquelle il s´est remis aux Apôtres au Cénacle. Il nous laisse ce qu´il a fait à la dernière Cène, et nous le renouvelons fidèlement”.
“Avant tout, continue le pape, se renouvelle le mémorial de la Pâque du Christ. Passent les jours, les années, les siècles, mais ce geste très saint dans lequel Jésus a condensé tout son Evangile d´amour ne passe pas. Il ne cesse pas de s´offrir lui-même, Agneau immolé et ressuscité, pour le salut du monde. Par ce mémorial, l´Eglise répond au commandement de la Parole de Dieu que nous avons entendu aujourd´hui dans la première lecture : "Souviens-toi !... N´oublie pas !" (Dt 8,2.14)”.

Père Dominique Vallon
vicaire général et curé de la paroisse du Sacré-Cœur (Avignon)